Lorsque le réveil sonna, Maurice appuya violemment sur le bouton et se retourna dans son lit. Il n’aimait pas le lundi. Ni les autres jours de la semaine, du reste. Mais le lundi était le pire : il lui en restait cinq à tirer. Quelques minutes plus tard, il se tira hors du lit, enfila un marcel, se débarbouilla le visage et lança la machine à café. Il posa son téléphone sur la table de la cuisine et parcourut quelques articles en buvant son café, puis sauta dans la douche et enfila son bleu de travail.
Machinalement, Maurice verrouilla la porte d’entrée, ouvrit celle du garage, monta dans sa vieille bagnole, sortit de l’allée et se dirigea vers la centrale. À la radio, les présentateurs posaient des questions à leur invité, et ponctuaient ses réponses de mauvaises blagues et de rires gras. Maurice tira une cigarette de son paquet et l’alluma d’une main en tenant le volant de l’autre.
Vingt minutes plus tard, il se gara dans le parking des employés, comme tous les matins, sortit son badge de sécurité et rejoignit son poste de travail, comme tous les matins. Il pensait qu’une nouvelle semaine de travail morne l’attendait.
Mais il n’en fut rien. Deux heures plus tard, les alarmes de sécurité retentirent, un ordre d’évacuation fut beuglé à travers les haut-parleurs de l’usine et Maurice se précipita vers les chambres de décontamination. Trop tard. Ce jour-là, Maurice fut irradié par un mélange chimique et radioactif d’un nouveau genre.
Il fut emmené à l’hôpital en urgence et traité du mieux que le pouvaient les médecins, mais il décéda trois jours plus tard.
La centrale fut fermée immédiatement, et les employeurs payèrent les funérailles de tous les employés décédés des suites de l’accident. Le monde ne connut jamais Super-Maurice. Mais son frère hérita d’une belle assurance-vie.
(52 micronouvelles en 2018 – 10/52 – série : élément déclencheur)