Le plan était parfaitement huilé. Chaque matin à sept heures précises, la ministre entrait dans le café en face de chez elle. Elle prenait un double espresso, bien tassé, sans sucre ni lait. Elle le buvait tandis que son conseiller en communication lui citait les informations les plus importantes de la veille. Puis, à huit heures, elle prenait sa voiture avec chauffeur pour se rendre au ministère. Depuis le début de sa prise de fonction, elle répétait ce rituel scrupuleusement, chaque jour ouvré de la semaine.
Le tueur à gages avait tout prévu. Il devait passer dans la rue à six heures cinquante-neuf précises, en moto. Il devait ralentir, sortir son silencieux, lui administrer une balle en plein cœur pendant qu’elle sortait de chez elle, puis repartir en trombe avant que les agents de sécurité n’aient eu le temps de prendre conscience des événements.
Les voisins seraient curieux, aussi. Contrairement à ce qu’on croit, un pistolet muni d’un silencieux reste plutôt bruyant. Puis la ministre aurait été conduite à l’hôpital mais les médecins n’auraient rien pu faire. Dans la journée, le Président de la République aurait préparé un discours, et le commissaire divisionnaire aurait récupéré l’affaire sensible, toute chaude sur son bureau, cadeau.
Mais rien de tout ceci n’arriva. Lorsque le tueur à gages passa devant la porte de l’immeuble de la ministre, à six heures cinquante-neuf ce mardi matin, elle n’était pas là. Repéré par les agents de sécurité, il dût partir en trombe et trouver un autre plan.
Il se trouve que la veille, la ministre avait un rendez-vous galant. Réussi, cette fois-ci.
Comme on dit, l’amour est imprévisible.
Mais le tueur à gages ne se laissera pas abattre si facilement…
(52 micronouvelles en 2018 – 14/52 – série : crimes foirés)