Tout était prévu. La cible sélectionnée, la salle de torture prête,
le petit jeu de questions réponses bien huilé. Il enfila son masque,
remonta sa capuche et sortit des toilettes du café. Comme prévu, elle
venait de sortir de la station de métro et faisait la queue pour
commander son latte du matin, avant le travail.
Il s’installa sur la table adjacente de la place habituelle de la jeune femme.
Cinq minutes plus tard, comme prévu, elle s’installa à côté de lui, le nez dans le téléphone et le sac ouvert entre eux. Il sortit un téléphone à clapet de sa poche et le glissa silencieusement dans le sac à main de sa victime. Une photo de lui masqué servait de fond d’écran à l’appareil.
Il se leva en la bousculant légèrement, comme prévu, la fixa de son regard masqué une seconde à peine, puis quitta les lieux. Il s’éloigna de la place et attendit qu’elle sorte du café pour se rendre au travail, et sortit son propre téléphone prépayé. Il allait appeler le téléphone dans son sac. Elle allait répondre et le jeu pourrait commencer.
Alors qu’elle traversait la place d’un air guilleret en direction de la tour de bureaux où elle travaillait. Il activa le modulateur de voix et composa le numéro. Une sonnerie, deux sonneries. La femme continuait à avancer sans se laisser perturber par ce téléphone inconnu dans son sac.
Trois sonneries, quatre sonneries, toujours rien. Puis il remarqua qu’elle ne portait pas son sac à l’épaule. Elle l’avait oublié au café.
La victime ne vécut pas une journée d’horreur ce jour-là. Enfin, sauf si on compte la réunion interminable avec le service fabrication. Déstabilisé, l’homme masqué avait filé au café pour récupérer son téléphone mais le sac avait déjà disparu. Ce jour-là, il laissa tomber son plan et décida plutôt d’écrire des romans d’horreur.
(Writober jour 20)
(52 micronouvelles en 2018 – 39/52 – série : crimes foirés)