On pourrait croire que le discours à base de “tout est possible” est surfait, voire caricatural. Et c’est probablement le cas. Mais au fil de l’expérience, j’ai commencé à comprendre ce qui se cache derrière la notion de possible : beaucoup de choix que nous faisons et de chemins que nous n’osons pas prendre sont liés au fait que l’on pense cette option impossible.

Et si le fait de repenser cette croyance pouvait nous mener bien plus loin que ce qu’on pense?

Récemment, je me suis engagée dans une association pour promouvoir la mixité et encourager les femmes à rejoindre l’industrie du jeu vidéo. Et l’une des pistes de travail de Women in Games France est l’éducation : faire prendre conscience aux femmes qu’il leur est possible de rejoindre l’industrie. Et cela m’a fait réfléchir à la manière dont j’ai moi-même rejoint le secteur du jeu vidéo.

J’étais en première année de master, et le stage que j’avais trouvé m’a lâchée une semaine avant de commencer. C’est ainsi qu’une personne travaillant dans le jeu vidéo m’a incitée à regarder les annonces sur un site dédié, et que j’ai trouvé mon premier stage dans la communication.

Sans cette urgence de trouver un stage en une semaine, et sans cet ami, non seulement je n’aurais jamais osé postuler dans le jeu vidéo, mais je pense que ça ne me serait même pas venu à l’idée, tant cette industrie me paraissait inatteignable.

Les barrières de l’impossible

En explorant cette notion du possible dans d’autres domaines, j’en suis venue à penser que c’est un élément central dans la vie que l’on mène : ce que l’on croit possible ou non pour nous-mêmes. Ce sont ces croyances dans ce qui est possible ou impossible, ces barrières, réelles ou psychologiques, qui façonnent nos choix (ou nos non-choix), et qui font que l’on mène une vie plus ou moins proche de ce que l’on souhaiterait réellement, de notre juste place.

Sur le sujet, j’ai lu un article en anglais sur le site tiny buddha, et voici ma traduction d’un passage que je trouve très juste :

“Avez-vous déjà voulu faire quelque chose — peindre des couchers de soleil, chanter de l’opéra, courir des marathons, dessiner des gratte-ciels — mais avez freiné vous-même avant de commencer parce que ce n’était pas réaliste, pratique ou en ligne avec ce que votre famille/vos amis/vos collègues attendaient de vous?”

On en revient à cette notion de possible, ou plutôt d’impossible : “ce n’est pas réaliste”, “ce n’est pas économiquement viable”, “il faut bien gagner de l’argent”, “tu as vu les taux de chômage?”

Tout ceci, ce sont des barrières qui nous amènent à penser qu’une certaine option, un certain chemin, est impossible à suivre, donc on renonce sans même essayer.

En d’autres termes, on s’empêche d’aller vers ce qui nous fait vraiment envie parce qu’on est persuadé que c’est impossible. Et comme c’est impossible, on abandonne la partie avant de l’avoir jouée.

La rencontre avec le possible

Souvent, ces barrières sont inconscientes. On élimine une envie comme étant impossible avant même d’avoir consciemment envisagé ce choix, pesé le pour et le contre. Je sais que ce fut mon cas pour l’écriture de fiction, lorsque j’ai décidé de bifurquer vers un master de communication “pour être employable”.

Sans le savoir, je m’étais mis une barrière à moi même : devenir auteur professionnel, c’est impossible. Parce que seule une minorité d’élus sont retenus par des maisons d’édition.

Parce que ça ne rapporte pas d’argent. Et il faut bien vivre! Alors j’ai arrêté d’écrire pendant plusieurs années, pendant ma vingtaine. Puis, petit à petit, l’envie d’écrire a refait surface. Je l’ai traitée comme un loisir, puis j’ai rencontré des écrivains, certains après le travail, comme moi, d’autres à temps plein. Et si c’est possible pour d’autres, pourquoi pas pour moi?

Dans l’épisode 94 du podcast Happier, par Gretchen Rubin, son invité parle de la notion du possible. Jonathan Fields est auteur du livre “How to live a good life” et dit la chose suivante. Ce qui peut changer la vie d’une personne qui n’ose pas faire quelque chose, c’est de croiser la route de quelqu’un qui lui fait comprendre que c’est possible, qui l’encourage dans cette voie.

Par exemple, l’une des rencontres qui a renforcé cette idée qu’il m’était possible de devenir une autrice professionnelle vient de mon emploi précédent dans le jeu vidéo. À l’époque, il circulait une sorte de légende sur une stagiaire qui avait publié un livre sur les stagiaires et qui était devenue autrice professionnelle à la suite de ce succès. La réalité est bien sûr plus nuancée, puisqu’elle avait déjà écrit et publié d’autres livres avant celui-là.

Mais j’ai retrouvé l’ancienne stagiaire en question, Samantha Bailly, et je l’ai rencontrée. Le fait de discuter avec une personne de ma génération, qui a travaillé dans la même entreprise que moi, et qui vit maintenant de sa plume, cela a aidé à baisser mes barrières : si une personne aux circonstances relativement similaires aux miennes peut le faire, pourquoi pas moi?

Le possible et la persévérance

C’est cette rencontre, et bien d’autres, qui ont peu à peu débloqué mon écriture, et permis de laisser mon envie d’écrire refaire surface. Ensuite, je me suis mise au travail.

Car si le fait de croire que c’est impossible est un vrai frein, le fait de croire que c’est possible ne suffit pas à tout résoudre par magie. Oser aller vers le possible, c’est sortir de sa zone de confort, et ce n’est pas évident.

Aller vers le possible, c’est naviguer en territoire inconnu, apprendre, échouer, se décourager et se relever. Je pense que ce qui pèche dans le discours érodé du “tout est possible”, c’est que non, tout n’est pas possible. Tout le monde ne part pas égal, et en fonction des chemins, la quantité de travail à abattre pour y arriver peut être colossale.

L’idée n’est pas de quitter la terre ferme et de soudain croire que tout est possible. L’idée est plutôt de faire tomber l’idée lancinante que c’est impossible. De cette manière, au lieu d’abandonner, on se renseigne, on cherche ce qu’il faut faire pour y arriver, on apprend à distinguer ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. On monte un plan d’action.

Se tourner vers le possible n’est pas rêver bêtement dans un monde irréel, sans avoir conscience des réalités de la vie. Au contraire, pour moi, c’est sortir de l’apathie pour se mettre au travail et trouver des solutions concrètes. Il y aura de l’échec en chemin, mais aussi de l’apprentissage, des expériences, et une évolution vers la vie que l’on souhaite vraiment.

Par exemple, je n’ai pas tout abandonné pour écrire à temps plein. Mais j’ai trouvé des solutions pour être plus libre de mes journées et prendre le temps d’écrire, tout en continuant à travailler à côté.

Je vais terminer cet article sur un conseil donné par l’article de Tiny Buddha cité plus haut et qui me paraît très utile :

“Donnez-vous la permission de poursuivre les possibilités et de remodeler vos rêves pour les adapter à la réalité actuelle”

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