Dans la créativité, qu’elle soit prise au sens artistique ou au sens plus large de mener une vie plus créative, ne sommes-nous pas souvent freinés par l’idée de “ne pas être assez original” ? Alors on déprécie son œuvre ou son idée (de projet, d’entreprise…) en se disant que le concept existe déjà, et qui suis-je pour espérer révolutionner le genre?
Mais l’originalité est-elle vraiment nécessaire pour qu’une idée soit bonne et mérite d’être cultivée? Est-ce un standard de qualité ou un frein à la créativité?
Oh non, je ne suis pas originale…
Je me souviens du tout premier extrait de roman que j’ai fait bêta-lire par des lecteurs-correcteurs sur mon forum d’écriture. Il s’agissait d’un projet naissant de science-fiction, et c’était la première fois que je soumettais mon travail à des auteurs aguerris prêts à remplir mon extrait de commentaires constructifs.
À la suite de ces retours pourtant bienveillants, qui mettaient notamment en avant la présence dans mon texte de certains poncifs du genre, j’en suis ressortie avec une idée fixe: “mon dieu, mon projet de science-fiction n’est pas original”. Je me souviens même d’avoir ouvert un fil sur le forum de conseils d’écriture, qui devait s’intituler quelque chose comme “comment produire une œuvre originale?”
Tous les travers de mon univers m’ont sauté à la figure. J’ai repensé à tous les grands de la SF (Asimov, Herbert…) et aux œuvres qui m’avaient inspirée (Cowboy bebop, Mass Effect, les chroniques du Radch…) et je me suis dit que tout avait déjà été exploité, je ne peux qu’être une pâle copie. Je suis passée à deux doigts de laisser tomber le projet, le forum et l’écriture, le temps d’une soirée.
Jusqu’à ce que les conseils bienveillants de la communauté d’auteurs me rappellent un élément fondamental : l’originalité n’est pas une obligation. Ce n’est peut-être même pas possible d’être original. S’il s’agit de trouver un thème jamais exploré par l’humanité, bon courage, parce que parler, par exemple, de l’âme, de la conscience et de la définition de la vie (le thème de mon livre de SF), cela fait des milliers d’années qu’un tas d’artistes et de philosophes manquent d’originalité.
Et s’il s’agit de trouver un style de narration inédit, autant inventer une nouvelle langue, parce que le français est plutôt bien installé dans ses règles de grammaires et d’orthographe, et des milliers d’hommes et de femmes de lettres jouent avec les mots de toutes les façons possibles depuis plusieurs siècles.
La crainte du manque d’originalité
D’où vient cette peur de ne pas être original lorsqu’il s’agit de faire naître et grandir une nouvelle idée? Peut-être cela vient-il de la peur d’être banal, ordinaire. Que cette idée ne mérite pas d’être développée, partagée avec le monde. Si cela a déjà été fait, quel intérêt que je le copie? Ce qui pose une autre question: le but d’une nouvelle idée est-il l’originalité?
Comme le suggère Elizabeth Gilbert, même les pièces de Shakespeare s’inscrivent dans une tradition théâtrale du moment, par exemple autour de pièces historiques, qu’il développe avec ses pièces sur certains rois anglais.
Et ne parlons même pas des thèmes abordés par le contenu lui-même des histoires (l’amour, la trahison et autres). Ce sont des thèmes communs à l’âme humaine, que des centaines d’artistes ont exploré avant et continué de traiter après Shakespeare. Cela signifie-t-il que Shakespeare aurait mieux fait de devenir comptable?
Non, bien sûr que non. Et votre idée a tout autant le droit d’exister que toutes celles qui ont été développées par tous les hommes et les femmes dans l’histoire de l’humanité. Vous avez une âme propre, une vision du monde qui vous est personnelle et que personne d’autre n’a. C’est cela que vous apportez avec vos idées : votre version de ces thèmes non originaux.
La plupart de ces choses ont déjà été faites—mais elles ne l’ont pas encore été par vous
— Elizabeth Gilbert (Comme par magie, p117)
En d’autres termes, lorsque vous menez une vie créative, que ce soit au moyen d’un art, d’un projet, d’une initiative, d’une création d’entreprise ou d’association, d’un blog ou quoi que ce soit d’autre, vous partagez votre voix avec le monde. Et elle est unique, même si votre idée n’est pas basée sur un concept original.
L’ingrédient d’une bonne idée créative? L’authenticité
Si la valeur ajoutée n’est pas l’originalité mais votre propre manière de traiter le sujet, alors c’est un tout autre paramètre qui est, à mon sens, capital à tout acte créatif: l’authenticité.
Il est humain de créer, cela fait des dizaines de milliers d’années que nous peignons des bisons dans des grottes. Nous avons tous une histoire, une expérience, une sensibilité, une âme à partager. L’humanité explore les mêmes idées depuis des milliers d’années, mais chacun y apporte sa voix propre, et c’est cela qui compte.
L’authenticité, c’est la capacité de puiser dans notre âme, dans cette histoire, cette expérience, cette sensibilité qui fait notre humanité commune, pour en sortir notre voix propre et toucher d’autres âmes avec nos idées. C’est une manière de partager un bout de ce qui nous rend vivants avec d’autres êtres vivants. D’apporter notre contribution à l’humanité. Ce n’est là que mon humble avis, mais je préfèrerai toujours une œuvre ou une initiative authentique, qui vient du cœur, plutôt qu’une tentative d’originalité qui semble forcée.
Alors ne vous laissez pas enchaîner par la peur de ne pas être original. Votre cœur vous chante une idée prête à être semée? Qu’importe que le concept ait été exploité mille fois. Plantez-la, arrosez-la, faites-la grandir. Mais surtout, mettez-y tout votre cœur. Et vous verrez, vous toucherez d’autres âmes. Vous créerez une connexion avec notre humanité commune. N’est-ce pas là une merveilleuse raison qui fait que la vie mérite d’être vécue?
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